Promoteurs, syndics et bailleurs tentaculaires… Ce récit n’a pas vocation à taper plus particulièrement sur les uns ou sur les autres – d’autant qu’il existe chez ces acteurs des personnes sincèrement soucieuses de préserver l’intérêt commun de nos copropriétés. Nous pensons néanmoins qu’il faut cesser de ramener ces sujets à des cas isolés alors qu’il s’agit d’un mode de fonctionnement national, parfaitement légal mais qui désavantage d’entrée les copropriétaires individuels.
Après l’épisode précédent – certes complexe mais indispensable à la compréhension du (dys)fonctionnement du système — voyons ce qui se passe en pratique dans ces copropriétés.
Syndics-promoteurs et promoteurs « non concernés »
Des tensions peuvent émerger dès la première assemblée générale de la copropriété ou de l’ASL, notamment lors du choix du syndic, où les investisseurs/bailleurs institutionnels se sont d’ores et déjà entendus pour confirmer dans ses fonctions le « syndic provisoire » proposé par le promoteur.
J’ai déjà traité à plusieurs reprises de ce sujet dont on ne dira jamais assez l’importance. Elire un syndic choisi par le promoteur c’est un peu comme choisir un chauffagiste filiale à 100 % d’un fournisseur d’énergie, qui vous jure par Toutatis qu’il va vous faire faire des économies d’énergie… Ces « syndics-promoteurs » sont donc généralement à la manœuvre pour laisser filer les garanties de parfait achèvement de la première année, c’est-à-dire celles qui engagent le promoteur à faire réparer les désordres constatés, que ce soit dans les parties communes ou dans les parties privatives. C’est là le deuxième volet du système dont les copropriétaires font les frais, sans que personne à part eux ne semble vouloir y mettre fin malgré les nombreux témoignages.
Ci-contre : extrait d’un article de Valérie Valin-Stein publié dans “Le Particulier” du 26 septembre 2021.
Je ne reviendrai pas en détails sur les désordres et autres malfaçons, également largement documentés dans mes communications passées et dans beaucoup d’autres récits aux quatre coins de la France, mais vous trouverez en encadré un petit florilège de ceux qui affectent nos résidences neuves.
Le saviez-vous ?
L’origine des désordres :
Sans parler des nombreuses malfaçons des parties privatives, les principaux désordres constatés dans les parties communes de nos résidences relèvent le plus souvent d’une mauvaise exécution et/ou – encore plus grave – d’une mauvaise conception.
– Défauts d’étanchéité, infiltrations et inondations, notamment dans les parkings (et n’ayant rien à voir avec de possibles crues du ruisseau des Aygalades et de ses affluents, comme certains tentent de le faire croire).
– Défauts de conception, de construction et d’installation du système de chauffage et d’eau chaude.
– Fissures en façades.
– Raccordements électriques non conformes.
– Dispositif incendie non conforme.
– Menuiseries mal conçues et mal posées…
…et tout ce qui nous reste encore à découvrir au fil des ans.
Face à ces nombreux problèmes, les stratégies et situations de nos copropriétés et/ou ASL diffèrent. Certaines ont démarré par des expertises techniques dont elles se serviront ensuite pour assigner les promoteurs au tribunal judiciaire, d’autres ont assigné les promoteurs afin de faire nommer un expert judiciaire par le tribunal, d’autres ont négocié en direct. Certaines ont bénéficié d’un simulacre de SAV, d’autres d’un spécialiste qui est toujours là trois ans après pour les aider et secouer le syndic afin qu’il mette en oeuvre les garanties. Tout cela finit néanmoins par grever le budget des copropriétaires, sans parler du temps que doivent y passer leurs représentants – qui plus est lorsque le syndic y met de la mauvaise volonté. Dans tout ce chaos, nous sommes heureusement accompagnés par l’Association Française des Copropriétaires (AFCopro). Je leur dois également pour ma part d’être parvenue à conserver ma santé mentale depuis le démarrage houleux de notre copropriété il y a maintenant presque trois ans 😀
Le début des procédures est aussi celui d’une suite sans fin de recours des uns contre les autres, chacun renvoyant la responsabilité à son voisin pendant que l’eau monte dans les parkings et n’est pas assez chaude dans les tuyaux. Cerise sur le gâteau, les promoteurs ne peuvent juridiquement être tenus responsables des désordres. Ainsi apprenons nous par leur voix et celle du tribunal qu’ils « n’ont assumé aucun rôle dans la réalisation de l’ensemble immobilier et ne sont ainsi pas concernés » par l’assignation, n’étant que gérants de “l’entité juridique distincte constituée pour la réalisation de l’opération immobilière”. Toute légale que soit cette bonne blague, je continuerai pour ma part ici à appeler un promoteur un promoteur et à considérer qu’une entreprise est responsable de ce qu’elle vend.
A partir de la deuxième année, ce sont les assurances, et principalement la « dommages ouvrage », qui vont prendre le relais, engageant alors les copropriétaires dans des démarches sans fin qui conduisent une partie d’entre eux à « laisser tomber », comme ils me le racontent souvent. Pour les parties communes, et en l’absence de réactivité du syndic, ce sont les copropriétaires élus au conseil syndical qui vont devoir batailler pour faire réparer les désordres et/ou obtenir dédommagement par le biais des assurances. Ils sont en cela rarement soutenus par les bailleurs, d’ailleurs le plus souvent absents du conseil syndical des copropriétés uniques. Ensemble mais chacun pour soi, et les vaches seront bien gardées.
Bilan des courses : à la fin de cette première phase de gestion des syndics-promoteurs, nos résidences se sont retrouvées avec des réserves non levées, des garanties de parfait achèvement expirées sans qu’aucune assignation n’ait été délivrée au promoteur et donc sans prorogation possible, des dommages-ouvrage non réalisées ou non suivies, des budgets sous-évalués, des charges trop appelées ou non appelées, des fournisseurs impayés, des comptes non produits ou non validables en l’état, des assemblées générales annuelles jamais convoquées ni dans les temps ni dans les règles, et bien sûr des documents réglementaires jamais mis à la disposition des copropriétaires et du conseil syndical, comme la loi l’exige. Oui, ça fait beaucoup, et ça n’arrive pas qu’ici.
Changer de syndic, une première étape pas toujours suffisante
Si toutes nos résidences vont parvenir à changer de syndic à l’issue de cette première période difficile, seules les deux premières vont enfin sortir la tête de l’eau, au propre comme au figuré. Désormais appuyés par un syndic indépendant marseillais ayant à cœur de défendre les intérêts de la copropriété avant ceux de quelqu’un d’autre, les conseils syndicaux et syndicats d’ASL peuvent alors se consacrer à leur véritable mission. A force de déboires, on en oublierait en effet que nous ne sommes pas censés passer la moitié de notre vie à nous battre pour obtenir la moindre réponse, le moindre document pourtant dit « réglementaire », ou encore la convocation de l’assemblée générale annuelle et les comptes qui vont avec.
Dans la résidence 3, c’est le bailleur B3 qui propose le premier de changer de syndic, alors qu’il avait pourtant défendu le syndic du promoteur et voté contre les syndics indépendants présentés lors de la première assemblée générale. Le supposé bénéfice – qu’il avait alors défendu – d’avoir un syndic à la fois juge et partie, avait d’ailleurs laissé plus d’un copropriétaire sceptique… et pour cause.
Lors de ce changement d’avis bienvenu, le conseil syndical comprend cependant assez vite que le bailleur en question ne souhaite se débarrasser du premier syndic que pour placer le sien, que j’ai ici nommé sE. Ce dernier a pourtant mauvaise réputation dans d’autres résidences du périmètre Euroméditerranée, et notamment à Smartseille où il est syndic-promoteur, avec les mêmes résultats qu’ailleurs. Mais le bailleur n’en démord pas. Finalement, le conseil syndical abandonne l’idée de proposer un syndic concurrent à celui du bailleur afin de ne pas risquer un éparpillement des votes débouchant sur un match nul ou – pire – la réélection du syndic notoirement incompétent en place.
Dans la résidence 4, c’est encore une autre histoire. Le syndic sC démissionne en même temps que sa directrice, mais cette dernière part chez le syndic sF, qui parvient à se faire élire à son tour nouveau syndic de la résidence. Ceci se fait sans opposition notable des copropriétaires individuels, mais quand même avec l’aide du bailleur qui détient 24 % des voix, ainsi que de l’agence immobilière qui a en gestion locative une partie des appartements de la résidence. Et comme le hasard fait vraiment bien les choses, cette agence n’est autre que l’agence F, qui comme toutes les agences propose à la fois des services de syndic, de gestion locative et d’achat-vente de biens. Troisième volet du système, aussi inacceptable que les autres : en gérant un nombre conséquent de biens dans une même résidence, une agence immobilière peut favoriser sa propre élection comme syndic de ladite résidence.
Si le cauchemar va enfin cesser pour les copropriétaires des résidences 1 et 2, il va continuer pour ceux des résidences 3 et 4, et ce malgré le changement de syndic.
Nous voilà donc en route pour un troisième épisode…