Après vous avoir parlé du quartier d’Arenc, je vous parle aujourd’hui de la question de la “mixité sociale programmée” du Parc Habité.
Le format est celui de la présentation d’une recherche universitaire en urbanisme que j’ai terminée fin 2022 après deux ans de travail.
Avant de démarrer la lecture des articles, je vous recommande de lire l’introduction à ce travail de recherche qui est en ligne ici.
Le Parc Habité d’Euroméditerranée, promesses non tenues mais mixités au rendez-vous
La ZAC Cité de la Méditerranée et le Parc Habité, théories et pratiques
Entrons à présent dans ce Parc Habité, qui est la partie résidentielle de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) de la Cité de la Méditerranée (CIMED), elle-même censée incarner le début de la résolution de la coupure Ville-Port.
Cette ZAC, dont le plan directeur a été élaboré par Yves Lion, est programmée en trois secteurs dont la partie logements arrive chronologiquement en dernier, avec un « Parc Habité » d’un peu moins de 2 500 logements neufs qui s’étend sur 35 ha des 2e et 3e arrondissements et auquel s’ajoutent des bureaux, des commerces et des équipements. On va avoir la partie la plus animée côté sud avec l’Hôpital européen (2013), au milieu le « carré » des archives et bibliothèque départementales imaginé par Corinne Vezzoni (2007), et sur la partie nord qui va jusqu’à limite d’Euroméditerranée 2 les immeubles les plus hauts – dont les trois que j’ai étudiés (livrés en 2017, 2019 et 2020) – ainsi que la Cité scolaire internationale actuellement en construction.
Si les préconisations générales de l’EPAEM sont globalement respectées et que le quartier est indéniablement embelli et apaisé par rapport à l’existant, de nombreux « grignotages » vont venir mettre à mal le projet initial d’Yves Lion. Le plus célèbre est l’abandon des cinq squares publics qui avaient donné son nom à ce Parc Habité, décrit comme une « cité-jardin » du centre ville dans le dossier de présentation de la ZAC en 2005… Le seul jardin, on le devra finalement à Corinne Vezzoni qui économisera l’impact bâti au sol des archives/bibliothèque pour permettre la création de cet espace vert sur la parcelle nord-est de l’îlot 4B ainsi laissée libre.
Le “SWOT” du Parc Habité en 2022
Je trace également dans ma recherche le détail de ce qui sur le papier fait bonne figure mais dans la réalité se révèle pratiquement inaccessible ou peu adapté aux besoins des habitants, que ce soit un lieu fermé depuis plus de 40 ans comme l’église Saint-Martin d’Arenc ou une source de nuisances pour les riverains comme le Dock des Suds.
De nombreux obstacles sont donc rapidement venus obérer les promesses des débuts, et cela se ressent vraiment lorsque l’on interroge les habitants des nouveaux ensembles, tous statuts confondus. La plus grande insatisfaction (dans mon enquête et dans les retours que j’ai pu avoir au fil des ans) restant celle sur les commerces, avant même celles sur le manque d’espaces verts publics et de jeux pour les enfants. Les habitants citent les locaux vides mais aussi les nuisances de certains nouveaux commerces en bas d’immeubles, peu respectueux des habitants, ainsi que le manque de diversité de l’offre. Ils citent également le manque d’espaces de rencontres, par exemple « un café où aller prendre un p’tit déj’ en famille le matin », « où les gens de diverses origines se rencontreraient ».
La réalité des usages fait aussi défaut (parking sauvage sur les voies piétonnes, déchets des commerçants dans les bacs des résidences…) mais nous savons que cela est malheureusement davantage un sujet marseillais de gestion défaillante des collectivités que de conception initiale du programme. De l’avis général, le vrai point fort du quartier c’est son excellente desserte en transports en commun et routiers, même si l’on peut quand même pointer le manque de continuité avec les quartiers voisins, tours de la CMA-CGM et des « Quais d’Arenc » comprises.
Il me semble utile à ce stade de faire un premier point sur les forces, faiblesses, opportunités et menaces du Parc Habité telles qu’évoquées jusqu’ici. Cela permet aussi d’objectiver les points positifs et négatifs afin de donner à chacun la place qu’ils méritent.
On peut résumer que des ambitions du Parc Habité à sa réalité, des compromis ont dû être trouvés par l’EPAEM dès que le projet est entré en phase de réalisation. Et qu’il s’agisse de grignotages successifs des espaces et des usages collectifs initialement projetés, d’impensés ou d’absence d’anticipation, d’attentisme parfois mâtiné de calculs politiques… tous ces facteurs ont clairement affecté la qualité d’usage du nouveau quartier. Les habitants du Parc Habité se retrouvent aussi à la fois sur deux arrondissements et sur des frontières à la croisée de plusieurs mondes.
La plupart restent confiants mais certains estiment qu’on leur a « vendu du rêve » et 25 % des répondants à mon enquête ont quitté le quartier depuis, même si le plus souvent pour des raisons professionnelles.
Les mixités du Parc Habité
Quand on regarde la mixité, il est aussi utile de chercher ce que le Parc Habité a pu modifier dans l’activité de la population du quartier en comparant les deux principaux IRIS sur lesquels se situent le Parc Habité[1] avec le 3e arrondissement en général.
[1] IRIS Peyssonnel et Potier, l’IRIS Arenc n’étant statistiquement pas pertinent sur cette période.
La population et le taux d’activité (chômeurs compris) sont plus importants et progressent plus vite dans la zone du Parc Habité mais le taux d’activité reste très bas pour Marseille (67 % en 2019). Il y a plus de cadres mais pas de remplacement des catégories socioprofessionnelles, et ce taux de cadres reste aussi très bas pour Marseille (21,5% en 2019).
Le fossé est en revanche beaucoup plus visible entre les 2e et 3e arrondissements qu’entre le Parc Habité et le 3e, par exemple sur le nombre de personnes en emploi ou sur le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur.
Sur la zone du Parc Habité, ce n’est pas tant le pourcentage un peu plus important de diplômés de l’enseignement supérieur qui interpelle que la forte croissance des 15 ans ou plus hors scolaires dans cette zone, sans doute à recouper avec l’augmentation de la population active.
En ce qui concerne la structure sociale des résidences , il est très difficile d’avoir des informations fiables ne serait-ce que sur le type de logements, car la réalité ne correspond pas toujours aux informations de programmation qui m’ont été transmises par l’EPAEM et qui sont de toute manière incomplètes. J’ai cependant pu reconstituer les données sur les trois immeubles que j’ai étudiés.