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Une réunion en mairie du 2-3

Rappelons tout d’abord – comme je me suis chargée de le faire auprès des grincheux de service – que l’existence même de ces rencontres est un progrès en soi. Depuis sept ans que je vis dans le 2-3, rien de semblable n’avait jamais été organisé. Quatre moments d’échanges dans différents espaces publics et deux réunions publiques se sont ainsi succédés de début octobre à fin novembre, venant compléter un programme annuel d’animations et d’autres rencontres plutôt fourni.

Organisée à la mairie du 2-3, la réunion du 28 novembre était sans doute la plus convenue des six. Des pancartes posées sur les chaises des premiers rangs faisaient d’ailleurs comprendre aux participants que ces places de choix étaient réservées aux représentants des comités d’intérêt de quartier (CIQ). Cela ne manquait pas d’énerver d’entrée une dame, priée d’aller s’asseoir autre part. Cette même dame expliquera plus tard en séance qu’elle et ses enfants cohabitent avec des scorpions dans un logement insalubre du 3e et qu’elle ne sait plus quoi faire pour se faire entendre de la mairie. Un problème de… troisième rang ?

18 heures et quelques. Seul sur scène, le maire de secteur, Anthony Krehmeier, proche du maire de Marseille Benoît Payan élu dans le 2-3 mais subséquemment appelé à l’Hôtel de Ville. De chaque côté, une partie de ses adjoints : on se croirait presque à la messe. La séance démarre par une présentation de réalisations concrètes des trois années passées, qu’on ne peut une fois encore que saluer au vu du vide abyssal auquel nous avions fini par nous accoutumer lors de l’ancienne mandature, y compris en termes de communication de proximité.

Après cette présentation peut-être plus attendue – et donc mieux reçue – qu’elle ne le sera deux jours plus tard lors de la réunion publique à l’école Bellevue relatée par La Provence, la parole est au public. Les milliers d’habitants des immeubles neufs de ce secteur ayant semble-t-il été décrétés invisibles par nos politiques, je me suis fendue de trois questions que j’ai par ailleurs envoyées 24 heures à l’avance afin de ne prendre personne en traître.

  • Sur la question de l’ouverture officielle du Parc Bougainville, dont une moitié est prête à être livré par l’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerranée (EPAEM) mais que la Ville n’est clairement pas pressée de reprendre en gestion, le maire de secteur lance un « janvier 2024 » peu convaincu, qui succède à un « fin d’année » (2023) annoncé dans sa Gazette (p. 26). Au moins le chiffre de huit gardiens (pour les 4 hectares) est-il lâché en public. Huit à plein-temps, on espère.
  • Sur celle de la transformation prévue du Dock des Suds en Cité régionale et méditerranéenne du cinéma, sur laquelle la Ville semble là aussi traîner sacrément des pieds, le maire de secteur commence par affirmer que c’est grâce au Printemps Marseillais que le programme de logements et de bureaux initialement prévu à l’emplacement du Dock des Suds a été abandonné. Ayant moi-même été témoin du revirement de l’EPAEM sur ce sujet, il me semble pourtant bien qu’il remonte à l’avant juillet 2020. Passons. S’ensuit un interminable récit de la jeunesse d’Anthony à la Fiesta des Suds avant que le quartier ne « s’embourgeoise » (sic), de « ha là là c’était le bon temps » partagés par la salle… On en est presque à brancher la sono que ma question n’est toujours pas répondue. Finalement j’aurai quand même droit à un « moi je suis pour » (la Cité du cinéma, qu’on a fini par oublier dans l’euphorie), lâché à peu près aussi sûrement que le « janvier 2024 » de Bougainville. Espoir, quand tu nous tiens…
  • Le meilleur restera cependant la réponse du maire de secteur à ma dernière question, plus stratégique, qui porte sur une « extension d’Euroméditerranée » annoncée par la secrétaire d’Etat à la Ville lors d’une visite trois jours plus tôt. Aussi inquiète que les voisins qui m’accompagnent d’un accord qui n’aurait d’autre objectif que de bétonner plus vite, plus haut et plus fort sans que la municipalité actuelle n’ait son mot à dire, nous nous entendons simplement répondre « Bon courage ! ». Voilà au moins une réponse claire.

Utilisant la technique de la logorrhée, bien connue pour neutraliser une audience, le maire de secteur a en outre recours tout au long de la séance :
– au familier cassage en règle des 25 ans de Gaudinisme (attaques pas toujours appréciées – voire huées par certains dans l’assemblée) ;
– au non moins familier cassage de l’opération Euroméditerranée : des « commerces pas terribles », que du béton (hé ouais, « Bon courage !»), pas d’espaces verts (vivement Bougainville !)…
– et bien sûr à sa détestation des méchants propriétaires, puisque comme chacun sait nous sommes tous des marchands de sommeil et/ou menons grand train (c’est d’ailleurs pour cela qu’il nous est si indolore de payer une taxe foncière municipale XXL).

20 heures ou presque. Les réponses aux questions des autres participants finissent d’assagir (ou d’assommer) l’auditoire – CIQ-brossés-dans-le-sens-du-poil compris. Parmi les explications claires quoique longues, celle donnée sur la préemption municipale avortée de la « Maison Rose » à la Belle de Mai : 5 millions de travaux auraient d’entrée été nécessaires pour pouvoir la transformer en un lieu d’accueil pour 20 personnes tout au plus. Le maire de secteur se félicitant de s’être ainsi comporté en « bon gestionnaire » sur cette affaire, je suis quand même à deux doigts de lui demander si les « pas beaucoup de subventions » (sic) accordées par la Ville pour renflouer la caisse éternellement déficitaire de ses amis socialistes du Dock des Suds font aussi partie de cette gestion exemplaire.

Mais faisons fi du mauvais esprit car l’heure tourne… De haute lutte et bien décidée à ne pas s’être déplacée pour rien, la maman réussit finalement à arracher le micro et à obtenir l’assurance que le cas d’insalubrité de son logement plein de scorpions sera enfin examiné.

Allez, sans rancune, il reste un peu moins de trois ans à Monsieur Krehmeier pour parfaire son bilan.