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Le Cap Janet, si loin, si proche

Le projet de restructuration du terminal maritime du Cap Janet n’est pas une des préoccupations majeures des habitants d’Euroméditerranée. Pourtant il les concerne à plus d’un titre, même si un peu moins que leurs voisins de la moitié nord des bassins Est.

Vidéo de présentation du projet, septembre 2018

Le « périmètre d’étude éloigné » – qui correspond au périmètre au sein duquel le projet peut avoir un impact du fait des reports de trafic – englobe d’ailleurs une grande partie du secteur Euromediterranée.
Et vous connaissez ma propension à regarder un peu plus loin que le bout de mon nez : alors suivez-moi, on embarque ?

C’est où ?

Comme je vous l’avais expliqué en janvier dans mon article sur la pollution des navires, le Grand Port Maritime de Marseille Fos (GPMM) est divisé en deux zones, les bassins Est et Ouest. Le projet du Cap Janet se situe dans la partie nord des bassins Est. Sa réalisation doit entraîner le transfert d’une partie des ferries des bassins de La Joliette vers le môle du Cap Janet.

C’est quoi ?

Aujourd’hui la moitié des navires à destination ou en provenance de l’Algérie et de la Tunisie est localisée dans les bassins de La Joliette (qui ne peuvent accueillir que des navires de moins de 200 mètres) et l’autre au Cap Janet (qui peut accueillir de plus gros bateaux). Il existe ainsi deux points d’embarquement différents – qui plus est mal aménagés – pour une même destination. En découlent une certaine désorganisation, des surcoûts et des désagréments divers qui affectent à la fois les passagers, les riverains, les acteurs du port, les compagnies maritimes et les services de l’Etat…
Du côté des riverains ces nuisances se traduisent notamment par des embouteillages dus aux 200 000 véhicules qui arrivent et stationnent chaque année des heures, voire un jour ou une nuit entière, à proximité des portes d’embarquement, et bien sûr par une pollution au sens large (bruit compris) due à ces véhicules et aux navires qui les embarquent ou les débarquent.

L’intégralité du trafic des ferries du Maghreb représente 400 escales par an, fret compris, et 500 000 passagers. Il s’agit donc de regrouper tout ce trafic au Cap Janet et de réaménager totalement cette gare maritime ainsi que les voies et passerelles extérieures qui y mènent.

La libération de l’espace situé entre la gare de La Joliette et celle de La Major doit par ailleurs permettre la transformation du hangar J1.

Le nouveau terminal doit pouvoir accueillir jusqu’à quatre navires par jour durant la saison estivale et traiter de manière combinée environ 40 remorques de fret, principalement hors saison. La réalisation de la voirie extérieure relève de la maîtrise d’ouvrage de la Métropole Aix-Marseille-Provence tandis que la partie terminal maritime relève de celle du GPMM.

Concrètement, les travaux prévoient une nouvelle porte d’entrée entre les portes 3 et 4 actuelles, raccordée au réseau routier par un accès dédié, également accessible à pied et en bus à partir de l’arrêt existant « Littoral Gouret » et d’un nouvel arrêt de bus pour les passagers près de la nouvelle porte. Les aménagements routiers prévoient des trottoirs larges en béton désactivé et un cheminement cyclable protégé qui a vocation à s’inscrire dans un quelque peu futuriste itinéraire véloroutier. L’accès depuis l’arrêt de bus dans le sens Sud-Nord (Marseille –> Estaque) reste cependant problématique, avec une quarantaine de marches à gravir pour atteindre le pont franchissant l’autoroute, et une distance de 400 mètres à parcourir… avec ses valises !

Les travaux du nouveau terminal prévoient quant à eux la rénovation des hangars 16 et 18, la construction d’une nouvelle gare maritime piétonne et d’espaces d’attente extérieurs, ainsi que tous les cheminements routiers et piétons nécessaires. Absents du projet initial, quatre branchements électriques des ferries à quai sont enfin intégrés, dont deux pourront fonctionner en simultané.

Quel est le calendrier ?

Le calendrier est en partie dicté par la procédure réglementaire. Le projet du Cap Janet dans sa globalité est soumis à un permis d’aménager et fait l’objet d’une enquête publique.

Après une concertation préalable en septembre-octobre 2018, c’est dans la torpeur du mois d’août qu’a été annoncée cette enquête publique de septembre-octobre 2019 dont les résultats doivent à terme permettre au Préfet des Bouches-du-Rhône de statuer sur la demande de permis d’aménager du terminal.

Le projet doit à présent faire l’objet d’une « déclaration de projet » au plus tard en octobre 2020, déclaration suite à laquelle un recours est possible pendant deux mois.
Le projet nécessite également trois permis de construire pour la construction et la rénovation des trois bâtiments : nouvelle gare, hangar H16 et hangar H18.

Avec une enquête publique initialement prévue en mai et ayant finalement commencé en septembre (la synthèse est consultable ici), le transfert des navires est à présent prévu pour la fin de l’année 2021. Certains travaux qui ne nécessitent pas d’autorisation particulière ont cependant pu démarrer, ainsi que d’autres non liés au projet mais situés à proximité, comme ceux de l’ancienne base sous-marine rachetée par Interxion qui y construit son nouveau data center.

Les travaux du projet du J1 à La Joliette sont quant à eux phasés afin de permettre leur démarrage sans attendre la livraison du nouveau terminal du Cap Janet, en organisant une libération progressive des espaces maritimes qui entourent le hangar.

Combien ça coûte ?

Le coût annoncé est de 31,9 M€ pour le terminal (cofinancement à 54 % : 35 % Etat + 15 % Région + 4 % Métropole) et 10,5 M€ pour les accès routiers (financés par la Région, la Métropole et le Département).

Qu’en attend-on ?

Du côté des commanditaires, une amélioration de l’offre et de l’exploitation et une diminution globale des nuisances.

Du côté des habitants de la partie sud des bassins, plutôt du positif : moins de navires, moins de voitures, un hangar J1 rénové… Ne resteront que les navires du trafic Corse et Sardaigne, eux aussi branchés à quai, en avance sur leurs voisins du Maghreb en termes de contrôle d’émissions polluantes, et que nous pourrons continuer à saluer depuis les Terrasses du Port (à force d’en dénoncer les nuisances, on finirait par en oublier l’attrait qu’ils continuent d’exercer).

En revanche, côté Cap Janet, se pose légitimement la question inverse de l’accroissement des nuisances pour des riverains qui en subissent déjà bien davantage que ceux de la partie sud des bassins. Le bilan de la concertation préalable de 2018 et les demandes faites par l’autorité environnementale ont déjà permis d’apporter quelques réponses ou précisions. Elles figurent dans les documents présentés lors de l’enquête publique et portent notamment sur les questions du trafic routier, de la pollution de l’air, du bruit, des accès en bus, en vélo et à pied…

Le pont de la Pinède, vu depuis le bassin du même nom

Autre sujet évoqué, celui de la concertation avec les habitants. Déjà peu pris en compte dans la charte ville-port de 2013, les riverains ont globalement peu participé à la concertation préalable sur le projet du Cap Janet — mais étaient-ils seulement au courant ? Mon expérience personnelle de demande de consultation du dossier au siège de l’enquête publique me laisse à penser que tout n’est pas forcément mis en oeuvre pour optimiser la participation du public à ces enquêtes (à commencer par la personne qui me répond que l’enquête est close et m’oblige à brandir l’avis d’enquête pour lui prouver le contraire…).

Bilan quantitatif de la concertation préalable de septembre-octobre 2018

Ce déficit de concertation avec les riverains semble cependant avoir été reconnu par l’Etat, et un dispositif global “Dialogue Ville-Port” est actuellement déployé, qui invite enfin les habitants à participer officiellement au débat “ville-port” dans son ensemble.

“L’objectif de la démarche est de créer de l’entendement entre les différentes parties prenantes pour que les projets portés soient le plus partagés possible et le plus appropriés au contexte. La démarche vise ainsi à organiser la mise en place d’un dialogue entre les acteurs dans une logique de cohabitation et de bon voisinage, indépendamment des concertations formelles des projets.”
(“Dialogue Ville-Port”, Comité de suivi n°1, juin 2019)

En tout état de cause, les résultats de l’enquête publique sur la restructuration du terminal du Cap Janet poseront probablement de nouvelles questions qui requerront de tous les décisionnaires de nouvelles réponses et solutions.

3 réponses sur « Le Cap Janet, si loin, si proche »

Bonjour,

J’ai partagé ton article, très intéressant ça nous concerne, merci pour ce travail§

Bon weekend Patrice

“Mon expérience personnelle de demande de consultation du dossier au siège de l’enquête publique me laisse à penser que tout n’est pas forcément mis en oeuvre pour optimiser la participation du public à ces enquêtes (à commencer par la personne qui me répond que l’enquête est close et m’oblige à brandir l’avis d’enquête pour lui prouver le contraire…).” ha ha ha ! ce passage fait écho à nos luttes pour de “vraies concertations” dans le 13003!

Je pense que cela dépend également du lieu où l’on va consulter et des personnes sur qui l’on tombe. Une fois n’est pas coutume, ma meilleure expérience en la matière c’est la consultation du dossier d’enquête du PLUi à la Mairie du 2/3 en février 2019 : très bon accueil et une heure passée avec moi à sortir les dossiers, déplier les plans et m’en expliquer la lecture (qui n’était pas de la tarte) pour trouver l’info que je cherchais et qui leur posait à eux aussi une “colle”.

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