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Emménagés-Confinés

…ou le jour où Facebook me servit (enfin)
à quelque chose…

Le confinement a provoqué bien des situations que nous n’aurions jamais imaginées tellement nous sommes habitués à ce que tout coule de source ou presque. En début d’année on avait même fini par ne plus regarder les affichages électroniques de la RTM le samedi parce qu’on avait compris qu’ils étaient faux à chaque fois qu’il y avait une « manifestation sur la voie publique ». Le désordre marseillais lui-même était devenu prévisible. Oui mais ça c’était avant.

En ce même début d’année, certains des copropriétaires ayant comme moi acheté sur plans se voyaient notifiés de la prochaine remise des clés de leur appartement enfin sorti de terre : battez tambours et sonnez trompettes ! Pour faire référence à un sujet qui m’est cher, le rythme des emménagements ressembla à celui (toujours prévisionnel) de la future école Antoine de Ruffi : environ un quart des effectifs pour démarrer. Chanceuse, je me retrouvai dans la première fournée, mais attendis prudemment (ou lâchement) un mois avant d’emménager afin de m’assurer que mon studio n’était pas inondé à la première douche des voisins des étages supérieurs. Dans le neuf comme dans l’ancien, l’eau est notre ennemie publique n°1.

Vinrent ensuite les « bientôt », les « normalement », les « c’était prévu comme ça », les « non mais ça c’est pas grave », et autres bafouillements des promoteurs-syndic, des conducteurs de travaux, des livreurs de meubles,… et bien sûr les premières pannes d’ascenseur en plein emménagement. Bref, nous étions toujours dans la « normale » de l’immeuble neuf. L’affaire se corsa un peu lorsque les déchets commencèrent à s’accumuler en bas de la résidence et que des squatteurs investirent nos parkings, inondés et accessibles 24/24 (le portail de parking qui ferme relevant comme chacun sait de l’exception).

Et puis, alors que la deuxième vague d’emménagements avait démarré, vint le coronavirus. Quelques jours auparavant j’avais troqué mon matelas posé par terre contre un canapé-lit et les derniers cartons contre une armoire. Bref, c’était devenu confortable. Mais pas mal de mes futurs voisins n’eurent pas la même chance. Après les multiples retards qui avaient reculé la livraison de leur appartement, certains étaient en pleine installation mi-mars. Ils se retrouvèrent alors qui sans meubles, qui avec une cuisine sans le cuisiniste, qui en panne de matériaux,… Ceux qui le purent restèrent dans leur ancien logement, d’autres s’exilèrent, et ceux qui ne pouvaient pas faire autrement nous rejoignirent en mode camping, parfois leurs bébés dans les bras. Sans oublier ceux logés ailleurs par les promoteurs pour cause de non livraison de leur bien inondé, et dont la situation « temporaire » fut à nouveau prolongée.

Je suis la première à préférer une communication en face-à-face à une communication virtuelle, mais je sais qu’il n’est pas aisé de le faire dans un nouvel immeuble de presque 200 logements, même à moitié rempli. Fin 2019, avant même la livraison des premiers appartements, j’avais donc créé un groupe privé Facebook pour les copropriétaires. Tout d’abord formé de quelques personnes que je connaissais déjà, le groupe s’était progressivement étendu aux voisins présents et futurs ainsi qu’à quelques copropriétaires non habitants mais soucieux de leur achat et du bien-être de leurs locataires — et oui, ça existe ! Emménagés (ou pas) et confinés, ne nous connaissant pas encore pour la plupart, chacun empruntant des chemins spécifiques à son bâtiment lors de ses rares sorties, avec des balcons à des dizaines de mètres les uns des autres et ne donnant pas tous sur l’îlot central, force est de constater que ce groupe nous a déjà bien rendu service.

Qui dit groupe d’immeuble dit concierge de groupe. En termes choisis on appelle ça un « administrateur » mais je préfère « concierge », c’est plus drôle. Attention, créer un groupe mais ne pas vouloir faire le concierge c’est un peu comme créer une cagnotte sur Leetchi et attendre qu’elle se remplisse toute seule : cela ne vous mènera pas bien loin. Donc chez nous c’est moi la concierge. Je vous ai aussi dit qu’il y avait dès le départ quelques personnes dans ce groupe, c’est important parce que, pour prendre une autre comparaison, un groupe sans membres c’est un peu comme une salle de restaurant vide : ça n’attire pas grand monde.

Sans entrer dans les détails (ce qui est dans un groupe privé devant par essence y rester), je suis assez impressionnée par l’humour et la résilience de cette communauté en construction, tout comme par la bonne humeur des locataires avec lesquels j’échange pour l’instant oralement ou par sémaphore, et qui rencontrent eux aussi quelques problèmes.

faire pousser un réseau social D’IMMEUBLE

Pour le choix de la plateforme, je pourrais vous faire un cours sur pourquoi dans ce cas précis j’ai choisi Facebook et pas autre chose mais ce n’est pas l’endroit. Assurez-vous juste que vous avez la main sur l’outil, que la plateforme que vous choisissez est suffisamment bien implantée pour ne pas disparaître du jour au lendemain, et qu’elle ne va pas vous faire payer ses services à un moment ou à un autre sans que vous ne puissiez récupérer vos données et partir en courant. Et créez de préférence un groupe de copropriétaires et un groupe de locataires, qui communiquent et se retrouvent le plus souvent possible physiquement, plutôt qu’un seul groupe qui va vite générer des sous-groupes d’informations spécifiques aux uns et aux autres, et donc phagocyter le groupe initial.
A partir de ce « noyau dur » le groupe va grandir, doucement mais sûrement. Sauf objectif spécifique et clairement énoncé (essayer d’obtenir une majorité de tantièmes sur un vote d’AG, par exemple) inutile de lancer une campagne de recrutement. Laissez donc faire le bouche à oreille : une communauté de ce type vaut plus par l’implication de ses membres que par leur nombre.

Notre « mur » aurait pu devenir celui des lamentations parce que, disons-le, nous voilà bel et bien livrés à nous-mêmes depuis deux mois dans un bâtiment plus qu’imparfait où plus un ouvrier ne met les pieds ou presque, tandis que nous découvrons chaque jour de nouvelles infiltrations, fissures, éléments de structure qui se détachent et claquements en tous genres dès que le vent s’en mêle… Mais si nous partageons nos problèmes « logistiques », nous cherchons aussi toujours, et trouvons parfois, des solutions les uns pour les autres, et pour l’immeuble en général : des bruits bizarres aux visions de cauchemar, des extracteurs qui soufflent aux entrées d’air qui aspirent, des mystères de la géothermie que ne renierait pas l’inspecteur Clouseau à une liste de « qui contacter ? » que ne renieraient pas nos collectivités locales, des poubelles fantômes à la mystérieuse adresse du centre des impôts foncier « Nord » situé dans le 8e, de où brancher la fibre à comment rabattre son caquet à l’interphone hurleur,… il y en a toujours un parmi nous mieux renseigné que les autres, et ce n’est jamais le même car les sujets sont aussi divers que nos métiers et compétences respectives.

Dans un immeuble neuf, le groupe a aussi l’avantage de permettre des comparaisons, photos à l’appui, de la manière dont les finitions ont été réalisées chez chacun, dont les réserves formulées ont été traitées ou pas, et plus généralement de ce qui semble acceptable ou non par rapport à la notice descriptive des biens et les multiples « options » qu’elle autorise (à notre plus grand regret).

Enfin il y a ce que j’appelle les « bonus », que le confinement a rendus un peu plus précieux encore : nos commandes groupées au marché des producteurs de la Joliette, pour se régaler mais aussi soutenir les producteurs locaux ; nos bonnes adresses de commerces de bouche ouverts pas trop loin et des meilleures pizzas à aller chercher les jours où il y a grève en cuisine, nos premiers essais de fleurissement des balcons et terrasses… Et bien sûr notre premier apéro des voisins, confisqué par le coronavirus mais que nous avons donc tout le loisir de peaufiner. Déjà la menthe d’un Mojito – en version « virgin » ou plus chargée – fleurit sur les balcons, et la route du rhum (y compris arrangé) trace son chemin d’un bâtiment et d’un étage à l’autre…

2 réponses sur « Emménagés-Confinés »

Ah mais tu me parles “boulot” là ? Tu sais quand même que mon travail de concierge n’est pas rémunéré et que je ne suis (malheureusement) pas encore retraitée ?

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